Raymond Pillon

Raymond Pïllon

Raymond Pillon naquit à Fresneaux-Montchevreuil en 1889.

Cordonnier militaire pendant la première guerre mondiale, il s’installe peu après à Chaumont-en-vexin dont il ne cessera de sillonner les alentours, s’intéressant à la
nature comme aux hommes.

Dès les années 30, il découvre de nombreux sites préhistoriques. Ils les publie dans diverses revues attirant l’attention de l’abbé Breuil, éminent préhistorien français de
l’entre-deux guerres. Celui-ci viendra sur place étudier les sites avec Raymond Pillon et se liera d’amitié avec lui.

Par la suite il se vouera aux ressources paléontologiques de la région, dont il récoltera des milliers de fossiles dans les terrains éocènes (autour de moins 40 millions d’années). Cet homme, cordonnier de son métier et autodidacte, montra alors des qualités remarquables qui lui valurent d’être sollicité pour donner des conférences à la Sorbonne. De la détermination rigoureuse des fossiles, pas toujours facile, à l’investigation minutieuse de terrain, en passant par la retranscription précise des observations par le texte et le dessin, tout est là pour faire de Raymond Pillon un authentique scientifique, digne des Palmes Académiques qu’il reçut en 1953.

Curieux de nature,il ne pouvait passer à côté de l'Histoire. Doué d’un réel talent d’iconographe, il figura (dessins, fusains et aquarelles) quantité de monuments,
ouvrages, épitaphes, frises,… et découvrit maints vestiges gallo-romains et médiévaux.

A la fin de sa vie, en 1977, il légua ses collections à la commune de Chaumont-en-Vexin estimant qu’elles appartenaient pleinement au patrimoine local. Il faudra attendre 1993 pour que celles-ci soient présentées au public, puis 1996 pour qu'elles soient mises en valeur en exposition permanente, rendant ainsi hommage à leur créateur.

Raymond Pillon

Témoignage d'Hervé Réthoré

Si j’avais bien sûr entendu parler du cordonnier Pillon durant mes vacances d’enfance passées à Chaumont avant la seconde guerre mondiale - ma famille
recourait régulièrement à ses services -, c’est en 1950 que j’ai eu la chance de faire réellement sa connaissance.

Alors que je préparais un concours dont la géologie était au programme, j’eus l’idée un soir de lui rendre visite parce qu’on m’avait dit qu’il avait des collections de
fossiles,… une façon de rendre un peu concrète une matière pour moi plutôt rébarbative…
Et ce fût le début de rencontres quotidiennes dans son modeste atelier de la rue de l’Hôtel de Ville, rencontres qui se sont longtemps poursuivies.

Remarquablement ponctuel, il arrêtait de travailler à dix huit heures. C’est alors que suspendant mes révisions je le rejoignais pour une bonne heure, toujours accueilli
avec une grande gentillesse par son épouse Germaine et par lui. Il restait devant son établi, je m’asseyais près de lui.

Il aimait l’Histoire… et il répondait volontiers, avec compétence, à toutes les questions que je posais sur celle de Chaumont, du canton, de la région ; sur celle aussi dont il avait été un acteur lors de la Grande guerre. Il évoquait spécialement ces mois où agent de liaison ou téléphoniste dans son unité, il était chargé du maintien des communications entre les tranchées de l’avant et l’arrière, c'est-à-dire, sous les bombardements, de la réparation des lignes sans cesse coupées par les obus. De cette époque terrible il semblait surtout garder le beau souvenir de sa jeunesse, celui de la camaraderie du front,… comme celui du ‘’repos du soldat ‘’après les jours de combat. Surtout il m’apparaissait profondément patriote, sans la moindre forfanterie considérant comme un devoir normal, absolu et indiscutable de défendre par les armes sa patrie menacée. Chez lui aucune révolte exprimée contre l’horreur et l’absurdité des guerres, seulement la douleur d’avoir perdu son fils unique, Daniel, lors de la seconde guerre mondiale, mais aussi la fierté de voir son nom inscrit sur le monument aux Morts pour la France de Chaumont.

Cependant son sujet de prédilection, sa passion, c’était la géologie, la paléontologie, et la préhistoire humaine. Il éprouvait aussi un grand intérêt pour l’époque gallo romaine. Autodidacte s’il en fût, après à l’évidence une remarquable formation à l’école primaire, il s’était passionné pour ces disciplines que les richesses en la matière de la région de Chaumont lui avaient permis d’approfondir au point d’acquérir une grande compétence et de faire autorité. C’est ainsi qu’il était devenu correspondant de sommités comme l’abbé Breuil, qu’il avait publié dans des revues savantes et fait des conférences à la Sorbonne ! Tout cela sans chercher à en tirer le moindre avantage matériel.

J’ai été ainsi son ‘’élève’’ et ai eu la chance de m’être fait présenter par lui, avec ses commentaires, ses écrits, ses dessins souvent remarquables, et bien entendu ses
collections. Il m’est arrivé aussi à plusieurs reprises de trouver avec lui, et grâce à lui, des fossiles de toutes sortes dans les carrières de craie et en plaine, des outils
préhistoriques, des traces d’occupation humaine, des morceaux de poteries gallo romaines etc. Il ‘’sentait’’ les endroits prometteurs, savait utiliser les labours
susceptibles d’une année sur l’autre de mettre à jour des richesses préhistoriques, et avait pour les repérer un œil acéré de professionnel. J’ai ainsi passé avec lui des
moments très forts, ceux de la découverte au-delà des millénaires de traces de l’histoire de la terre et des hommes.

Raymond Pillon était une personnalité attachante par, son extraordinaire compétence dans des domaines si étrangers à son métier de cordonnier, par cette
passion qu’il avait le don de communiquer, mais aussi par l’homme de devoir qu’il était. Je suis fier de l’avoir connu et heureux que ce chaumontois exceptionnel ait été
honoré comme il l’a été, après sa mort, et que son souvenir reste vif.

Témoignage de Philippe Ott d'Estevou

Arrivé à Chaumont-en-Vexin en 1993, je n’ai pas connu Raymond Pillon qui décéda en 1977. En revanche, en tant que professionnel, je suis géologue de métier, j’ai pu apprécier à travers ses collections, la qualité impressionnante de ses trouvailles et surtout l’acuité de ses observations. Cet homme, cordonnier de son métier et qui n’avait pas fait de grandes études, montra des qualités d’analyste scientifique tout à fait remarquables. De la détermination des fossiles, pas toujours aisée, à l’investigation de terrain, en passant par la retranscription des obervations par le texte ou le dessin : tout est là, jusque dans le détail, pour faire de Raymond Pillon un vrai chercheur digne des Palmes Académiques qu’il reçut en 1953. La communauté scientifique ne s’est pas trompée ! 

Les collections qu’il légua à la commune en 1973 sont un brillant témoignage de son éclairement et de la richesse locale dans les divers domaines qu’il prospecta avec ténacité et perspicacité : paléontologie, préhistoire et archéologie. La mise en valeur de ces collections par la municipalité en 1993 lui rendit un hommage de qualité. 

La paléontologie avec plusieurs centaines d’espèces de fossiles, bivalves, requins, coraux… idéalement présentées, vous révèlera les mers tropicales qui régnaient dans notre région au début de l’ère tertiaire. 

La préhistoire, montrée à travers l’usage qui était fait des divers outils en pierre taillée ou polie, offre une évocation réaliste de la vie quotidienne de nos lointains ancêtres. Chacun de ces deux thèmes est accompagné d’une grande fresque originale sur l’évolution de la vie et de l’homme. 

L’histoire, du gallo-romain à la renaissance, outre les nombreuses trouvailles faites par Raymond Pillon et ses dessins remarquables, est enrichie d’apports plus récents, dons de particuliers, comme la recontitution des sceaux des grandes familles de Chaumont, des maquettes de divers monuments (château, église, ancien plan de la ville…).

Le meilleur moyen de remercier les nombreux bénévoles qui participèrent à l’organisation de cette exposition permanente est sans nul doute d’aller la visiter pour y découvrir une partie de notre passé local. 

Visite guidée possible sur rendez-vous en contactant simplement la mairie.

02/07/2008

Philippe Ott d'Estevou et Hervé Réthoré
Publié le dimanche 12 septembre 2021